Peu à peu l'école se métamorphose...Cette mobilité accrue génère une énergie contagieuse entre les élèves et surgit alors une autre façon d'être ensemble à l'école.

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Test
Cabale Vidéo
Classement
Intervenants
Artiste(s)-Pédagogue(s)
Collaborateur.trice

Éric Gingras (responsable technique)
Barbara Ulrich (graphiste)
Mathieu Rousseau (dessinateur)

Subventionneurs

Ministère de la culture et des communications du Québec (MCCQ)
Conseil des Arts de la Communauté Urbaine de Montréal

Partenaires

Centre PRIM, école d'Anjou (CSPI)
École de la Pointe-aux-Trembles (CSPI)
École Outremont (CSMB),
École Saint-Henri (CSDM)

Groupe en mauve sous l'image

La Cabale Vidéo est un projet en éducation artistique qui a eu lieu durant la semaine des arts dans les écoles du Québec (du 14 au 17 février 2000). En collaboration avec les enseignants en arts plastiques et les directions d'école, il s'agissait de créer un événement sur mesure pour les élèves du secondaire. Je me suis donc associé à PRIM, centre d'arts médiatiques et à Turbine, pour réunir une série d'œuvres et de performances utilisant comme médium la vidéo.

À l'image des cirques ambulants qui s'arrêtaient dans les villages et les villes, nous avons parcouru le territoire de la communauté urbaine de Montréal en nous déplaçant d'une école secondaire à l'autre pour y monter un chapiteau imaginaire de la vidéo. Ce nomadisme a permis de rendre accessible les œuvres de cette cabale aux écoles et aux élèves dont la majorité n'ont pas les moyens financiers ou l'intérêt de fréquenter les musées, les festivals, les galeries, etc. Nous croyons que de comprendre les enjeux de l'image en mouvement et du son comme outils de création est un processus qui ne peut être enclenché que lorsque les élèves sont mis en contact avec des oeuvres et des démarches d'artistes qui questionnent et investissent ces médiums.

Dans l'optique de créer un moment intense qui ne pourrait laisser personne indifférent La cabale vidéo avait lieu durant l'heure du dîner. L'agora, la cafétéria, l'amphithéâtre, les corridors et les locaux avoisinants étaient occupés par des oeuvres et des performances. Au programme nous retrouvions la projection de vidéos d'auteur, une installation électroacoustique, une sculpture vidéo, une vox populi, une performance vidéo, une guide en cabale et un document d'interprétation. Nous avons privilégié une intervention courte, dense et sans répit pour capter l'intérêt des jeunes.

Comme à l'habitude la cloche sonne c'est le temps de descendre à la cafétéria, mais au passage les jeunes sont interpellés, sollicités, informés et même happés par l'énergie que génère cette cabale. Peu à peu l'école se métamorphose, les élèves surpris et déstabilisés par le contenu et l'ampleur de l'événement se mettent à circuler d'un lieu à l'autre pour découvrir les œuvres et les performances. Cette mobilité accrue génère une énergie contagieuse entre les élèves et surgit alors une autre façon d'être ensemble à l'école. Cet éveil du corps ne peut que stimuler l'intellect.

Un des principaux propulseurs de cet événement était certainement Miss Antenna Monita : une guide personnifié par le comédien Gaëtan Desombre. Ce travesti déambulait dans l'école avec son porte-voix en incitant les jeunes à participer. Sa présence les confrontait et les déstabilisait, expressément dans le but d'éveiller et d'activer leur énergie et leur curiosité à risquer une tournée de la cabale. Il était accompagné de Monsieur Ovide Déo, un mime interprété par Lucas Joly, qui circulait en présentant de courtes performances en lien avec les œuvres vidéo diffusées sur un écran télé attaché à son corps. Ses lunettes fumées reliées par un fil à l'écran donnaient l'illusion que ses mouvements manipulaient les images diffusées. Les élèves assis, mangeant leur sandwich ou jouant aux cartes étaient complètement euphoriques à l'arrivée de ces personnages.

À la bibliothèque, nous retrouvions l'installation électroacoustique 13'13 pour voix défigurées de Monique Jean (musique et conception) et Alain Pelletier (vidéographie). Sept téléviseurs et quatre haut-parleurs entouraient les élèves. Pendant 13'13 ils vécurent une expérience esthétique où le son et les images étaient intimement liés. Debout, dans la pénombre, un peu désemparés, certains se questionnaient : Où dois-je regarder? Dans quel téléviseur?

À la sortie de la bibliothèque, dans le hall d'entrée, nous avions placé la sculpture-vidéo de Martin Boisseau, intitulée Deuxième temps : rotatif chorégraphique. Cette sculpture est composé d'une tour métallique soutenant, à la verticale, un baril à l'intérieur duquel l'on voit sur un moniteur vidéo une main traçant des cercles. Au sol, une pédale actionne la rotation du baril dans le sens inverse du tracé de la main, ce qui annule son mouvement. Cette sculpture interactive propose une illusion d'optique qui engage chaque élève dans son décodage.

Un peu plus loin, à l'amphithéâtre, une série d'œuvres vidéos étaient diffusées. La sélection de neuf courtes vidéos de différents genres et provenant de plusieurs pays s'appuie sur plusieurs années d'expérience personnelle de diffusion vidéos d'auteurs dans les écoles. Allant du document qui cumule des strates d'effets visuels à celui qui capte poétiquement notre environnement en passant par le docu-fiction, il était important que les jeunes puissent découvrir le plus grand spectre de la production vidéographique.

Au salon étudiant, un studio de tournage, relié à quatre téléviseurs situés à la cafétéria, était à la disposition des élèves. Dans l'esprit d'une vox populi nous les invitions à présenter, en direct, performance, danse (break), chanson (rap), musique, message personnel ou engagé à leurs camarades qui les observaient à la cafétéria. L'enjeu principal de ce dispositif consistait à mettre à jour le lien entre l'image télévisuelle et sa source. Plusieurs ne connaissent pas l'origine de ces images ou la manière de les fabriquer.

Dans chacune des écoles, environ dix élèves assistaient les techniciens pour l'installation, la diffusion et le démontage de La Cabale Vidéo. Leurs tâches leur permettaient d'être en contact avec des professionnels, de découvrir leur métier et d'être sensibilisés aux appareils requis pour produire un événement qui diffuse de la vidéo sous toutes ses formes.

Avant l'arrivée dans les écoles nous avons travaillé en étroite collaboration avec les enseignants en arts plastiques afin qu'ils sensibilisent les élèves à la vidéo comme médium artistique durant leur cours. Un document d'interprétation, conçu spécifiquement pour l'événement, était distribué aux élèves et aux enseignants pour faciliter leurs tâches. Ce document propose un historique et une description des spécificités de la vidéo d'auteur, un lexique, des sites Internet reliés aux arts médiatiques et une bibliographie destinée aux enseignants. En plus, il présente les œuvres, les performances, les artistes et la vox populi réunis sous le chapiteau de cette cabale.

© Yves Amyot, mars 2001


Références

Amyot, Yves (2003). Le marcheur-pédagogue - Amorce d'une pédagogie rhizomatique. Paris: L'Harmattan.

Deleuze, Gilles, et Félix Guattari. 1976. Rhizome. Paris: Les Éditions de Minuit, 74 p.

Gauthier, Clermont. 1989. Fragments et résidus 2: Deleuze éducateur. Rimouski: GREME

Lévy, Pierre.1997.L'intelligence collective: pour une anthropologie du cyberespace. Coll. « La Découverte/Poche », no 27. Paris: La Découverte, 245 p.

Parrochia, Daniel. 1993. Philosophie des réseaux. Coll. « La Politique Éclatée ». Paris: Presses Universitaires de France, 300 p.